Les conséquences du coronavirus sur le marché immobilier suisse

Introduction

Alors que la Suisse termine son premier mois de confinement, les incertitudes quant à la crise sanitaire et économique liée au coronavirus restent extrêmement élevées. Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de la pandémie sur l’économie, mais ce qui est certain c’est que tous les secteurs sont touchés, directement ou indirectement par le ralentissement de la demande et des capacités de production. Alors que les experts s’accordent à dire que la magnitude de cet impact dépendra en grande partie de la durée de l’épidémie, tous les secteurs ne seront pas touchés dans la même mesure. Dans le présent article, nous nous proposons de parcourir les conséquences du coronavirus sur le marché immobilier suisse. Nous nous appuierons principalement sur le rapport de marché intitulé Coronavirus: Évaluation des perspectives pour l’immobilier, publié le 20 mars par la société de conseil en immobilier Wüest Partner (WP) [1].

Nous commencerons par une rapide situation globale de l’économie suisse et des taux d’intérêt qui influent tant sur le marché immobilier. Puis nous examinerons ce dernier, en opérant une distinction entre immobilier résidentiel et immobilier commercial, pour finir par les mutations profondes que la crise du coronavirus pourrait engendrer.

1 – La Suisse tombera en récession en 2020 mais les fondamentaux sont solides

Dans un communiqué publié le 19 mars, le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) annonce que l’impact de la pandémie sur l’économie suisse engendra un recul du PIB de 1.5%. Le taux de chômage est attendu en hausse à 2.8% en moyenne nationale, contre les 2.4% prévus en décembre [2].

Les entreprises vont fortement réduire leurs investissements et l’emploi en raison de la baisse ou de l’arrêt d’activité et de l’incertitude qui règne sur les mois à venir. À l’heure actuelle, les prévisions les plus optimistes tablent sur une reprise économique au second semestre 2020.

La pandémie aura un impact sur tous les secteurs de l’économie mais plus particulièrement sur le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, les transports, l’événementiel, la culture et le commerce de détail stationnaire. Les petites entreprises étant privées de plusieurs mois de chiffre d’affaires seront touchées en premier.

Pour contenir les conséquences économiques et sociales de l’épidémie, la Confédération a lancé le programme d’aide le plus important jamais mis en place en Suisse. Cette aide d’urgence, annoncée à 10 milliards de francs le 13 mars, est passée à 60 milliards le 3 avril. Elle servira notamment à fournir des liquidités aux entreprises, à prévenir des licenciements et à couvrir le manque à gagner des indépendants.

Similairement, les membres du G20 ont annoncé une aide de 5’000 milliards de dollars pour limiter les dommages de la pandémie. Ces contributions, essentielles face à l’urgence actuelle, alourdiront une dette publique de plus en plus insoutenable pour de nombreux pays. Selon les données de l’OCDE, en 2018, le fardeau de la dette était déjà écrasant pour le Japon (240% du PIB), l’Italie (147%), les États-Unis (136%), la France (122%), la Grande-Bretagne (117%) et l’Espagne (115%), pour ne citer que quelques pays.

En comparaison, en Suisse, grâce au mécanisme de «frein à l’endettement» mis en place par la Confédération en 2003 et qui a permis de dégager de nombreux excédents budgétaires depuis, la dette publique (Confédération, cantons et communes) ne représente que 27% du PIB. La Suisse a donc une bonne marge de manœuvre financière pour atténuer les répercussions de cette récession économique. [3]

Selon WP, la crise actuelle affecte l’économie suisse à un moment où elle est relativement bien portante. Notre pays a connu une décennie entière de croissance économique régulière avec une augmentation de l’emploi d’en moyenne 1% par an et une augmentation de la fortune nette des ménages privés de 31% par habitant. L’augmentation réelle du produit intérieur brut s’élevait à 0.9% en 2019 et le taux de chômage atteignait à peine 2.3% de la population active en janvier 2020.

L’économie suisse a toutefois deux points faibles. Le premier étant qu’elle ne dispose pas d’un grand marché intérieur et gagne environ un franc sur deux à l’étranger. Si ses partenaires étrangers, dont les deux premiers sont l’Union Européenne et les États-Unis,  devaient sombrer dans une longue et profonde récession, la Suisse pourrait également en subir les conséquences. Le second est le franc fort, qui sert de valeur refuge et qui affaiblit la compétitivité de l’industrie d’exportation et du secteur du tourisme. [4]

Dans son ensemble, l’économie suisse présente de bons fondamentaux et notre pays dispose de bons atouts pour sortir rapidement de cette récession. Avant d’en venir à l’investissement immobilier, examinons rapidement l’environnement des taux d’intérêt qui ont des conséquences directes sur celui-ci.


2 – L’environnement des taux d’intérêt

Alors que les banques centrales des États-Unis et du Royaume-Uni ont baissé leurs taux directeur en réponse à la pandémie, la BNS a annoncé le 19 mars qu’elle gardait le sien inchangé à -0.75%. Cependant depuis plusieurs semaines, elle intervient massivement sur le marché des changes afin d’éviter une trop forte appréciation du franc suisse qui voit sa demande renforcée par les incertitudes qui règnent sur les perspectives économiques mondiales.

Mais selon UBS, une baisse du taux directeur de la BNS dans les prochains mois n’est pas à exclure. Si la BCE, qui jusqu’à présent a gardé son taux directeur inchangé à 0.25%, opère une réduction de taux de 20 points de base, son homologue suisse sera probablement obligé de lui emboîter le pas afin de conserver un écart de taux suffisant entre le franc et l’euro pour réduire l’attractivité des placements dans la devise helvétique. La BNS afficherait alors un taux directeur de -1.0%. [5]

Indépendamment des annonces de la banque centrale, le coronavirus crée une forte nervosité sur les marchés financiers depuis plusieurs semaines et cela se reflète sur les taux hypothécaires. Fin mars, le taux hypothécaire fixe sur dix ans a bondi à 1.17%, alors qu’il atteignait un plus bas à 0.98% le 9 mars. Comparis, qui suit attentivement les taux proposés par les banques, les assurances et les caisses de pension, observe une augmentation des taux hypothécaires en raison du fait que les transactions imminentes ou prévisibles dépendront de facteurs devenus incertains pour les acheteurs avec la crise actuelle: stabilité de l’emploi et du revenu ainsi que la probabilité d’un recul des prix à venir. [6]

Mais on peut s’attendre à ce que les taux hypothécaires retombent à leur niveau de début mars une fois l’activité économique revenue à la normale. Les observateurs économiques s’accordent à dire qu’au vu de la situation actuelle les banques centrales maintiendront des taux d’intérêt bas au cours des annés à venir afin de favoriser la reprise économique à travers le crédit. Avec la crise du coronavirus, le contexte d’investissement a changé et le risque qui prédomine sur le marché immobilier ne consiste plus en une hausse soudaine et conséquente des taux d’intérêt comme l’explique Donato Scognamiglio, Directeur du IAZI [7], dans les colonnes du Neue Zürcher Zeitung: «Jusqu’à récemment, une augmentation notable des taux d’intérêt était considérée comme la plus grande menace pour les prix de l’immobilier, mais cela a maintenant fondamentalement changé. Avec la crise du coronavirus, les défauts de paiement à grande échelle sont désormais au premier plan. Si les revenus locatifs futurs attendus d’une propriété diminuent, cela entraîne des ajustements de valeur correspondants.». [8]

Dans cet environnement de taux bas et d’incertitude, l’immobilier reste l’une des classes d’actif la plus attractive.

LIRE AUSSIComparaison entre les actions et l’immobilier

3 – L’immobilier reste un investissement attractif

Alors que les marchés boursiers, pris de panique, connaissent une chute historique depuis le début de l’année, SMI (-10.96%), DJIA (-16.89%), FTSE 250 (-25.02%,) DAX (-20.28%), CAC40 (-24.61%) [9], la valeur des immeubles de rendement devrait rester stable à moyen et long termes malgré une baisse à court terme due au manque de liquidité sur les marchés financiers sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Dans un rapport publié le 12 mars, la société JLL, spécialisée en conseil immobilier, soutient qu’«en dépit de fluctuations liées aux crises, la tendance de fond reste à une allocation croissante des capitaux vers l’immobilier. Rien aujourd’hui n’indique que cette tendance devrait changer. L’immobilier continue d’offrir des rendements attractifs en comparaison avec les autres familles d’actifs.» [10] Il est à prévoir que ce report vers cette classe d’actif défensive s’intensifiera.

WP partage cet avis et explique que les placements immobiliers en Suisse restent attrayants pour trois raisons:

  1. Les taux d’intérêts sont faibles et offrent donc des conditions de financement favorables. Ils ont aussi pour conséquence de dissuader les investisseurs d’acheter des obligations et les épargnants de garder leurs avoirs sur leurs comptes bancaires.
  2. Les revenus locatifs sont moins vulnérables que les revenus des entreprises classiques.
  3. Les propriétaires de biens immobiliers génèrent leurs revenus en francs suisses, ce qui n’est pas négligeable si ce dernier continue à se renforcer dans sa fonction de valeur refuge.

Les biens immobiliers détenus en direct sont l’une des rares catégories d’actifs à prouver leur stabilité dans une période où certains investisseurs doivent accepter des pertes de valeur allant jusqu’à 50%. Cette stabilité de l’immobilier suisse peut s’expliquer par plusieurs facteurs dont trois méritent d’être mentionnés:

  1. l’achat / vente d’un bien immobilier nécessite une transaction notariale alors que des titres cotés peuvent être vendus en un clic ce qui crée une forte volatilité à court terme et donne lieu à des phénomènes de panique en cas de crise,
  2. la Loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE) restreint l’acquisition de biens immobiliers résidentiels aux citoyens ou résidents suisses ce qui protège ce marché de la spéculation internationale,
  3. en Suisse, l’endettement est limité à 75% de la valeur du bien alors que dans d’autres pays comme la France il peut atteindre 100%.

Comparaison avec la crise de 2008

Bien que la crise qui s’annonce soit différente de celle de 2008 en ce qu’il s’agit d’un soudain ralentissement de la demande et de capacité de production plus que d’un crise systémique et financière, la comparaison reste tentante. Sur un période allant de 2005 à 2011, l’indice des actions suisses (SMI) avait dégringolé alors que le SWX IAZI Investment Real Estate Total Return Index [11], qui suit la valeur des immeubles de rapport, s’est apprécié comme l’illustre le graphique ci-dessous.

L’immobilier, et particulièrement l’immobilier suisse, reste une classe d’actif stable, qui offre des revenus réguliers basés sur des loyers et qui sera de plus en plus prisée à l’avenir pour sa capacité à résister aux chocs économiques. Mais depuis le début de la crise du coronavirus, on assiste à une baisse des volumes de transactions et une diminution de l’accès à la propriété.

4 – Baisse des volumes de transactions et diminution de l’accès à la propriété

Le coronavirus ralentit toute l’économie et le marché immobilier n’est pas épargné. Avec le confinement, il est difficile d’initier ou de concrétiser des transactions. On peut aussi s’attendre à ce que les banques, qui ont du s’organiser pour que leurs employés soient en mesure de travailler à distance et qui depuis la mi-mars traitent des milliers de demandes urgentes de prêts des entreprises, soient submergées par cette masse de travail; ce qui allonge les délais des réponses aux demandes d’hypothèques. Les investisseurs, qui font preuve de prudence dans cet environnement incertain et ceux d’entre eux qui n’ont pas un besoin urgent de liquidités, font le dos rond en attendant que la tempête soit passée .

WP prévoit donc une diminution des volumes de transactions dans la situation actuelle. UBS prévient que quiconque qui veut vendre un bien durant les douze prochains mois doit s’attendre à des réductions de prix compte tenu du faible niveau de liquidité du marché et de la hausse actuelle des taux hypothécaires. [12] À l’heure actuelle, la baisse des valeurs de transactions peut atteindre 5%. Pour le luxe et les centres urbains très demandés, une chute allant jusqu’à 15% est attendue. [13] Toutefois WP indique que, même avec la baisse temporaire attendue des valeurs de marché, la grande majorité des logements en propriété financés devrait dépasser la valeur de gage des banques.

Les deux s’accordent à dire que l’accès à la propriété va connaître un sérieux coup de frein durant la crise sanitaire. WP explique qu’il est possible que les catégories à revenus élevés, importantes sur le marché de la propriété, enregistrent une baisse de leurs salaires et une réduction de la valeur de leurs fonds propres. Une telle évolution atténuerait la demande de logements en propriété.

De plus, au vu de l’activité de construction qui s’est ralentie, ou arrêtée dépendamment des cantons, il faut aussi s’attendre à une baisse du nombre de logements neufs proposés en propriété.

WP reste confiant que ces variations temporaires sur le marché immobilier se normaliseront avec l’affaiblissement de l’épidémie.

Nous avons pu constater que l’immobilier suisse est un investissement attractif, malgré la baisse temporaire des transactions, et qu’il constitue un placement défensif en période de crise. Analysons à présent la situation des différents segments qui le composent, car face à la crise du coronavirus, l’immobilier résidentiel et l’immobilier commercial ne sont pas logés à la même enseigne.

5 – L’immobilier résidentiel sera le plus résilient face à la crise

WP prévoit que la demande de logements locatifs sera perturbée mais pas bouleversée dans le courant de l’année. Les suppressions d’emplois probables pourraient à nouveau ralentir la croissance démographique. Mais la demande de logements en location sera stabilisée par:

  1. le fait qu’il s’agit d’un besoin non substituable, en termes plus simples, nous aurons toujours besoin d’un toit, 
  2. les systèmes sociaux visant à indemniser la réduction de l’horaire de travail et le chômage ainsi que les autres mesures immédiates prises par la Confédération,
  3. le ralentissement de l’offre de logements neufs en propriété.

Il faut s’attendre à une légère hausse des vacances et à des baisses modérées de loyers dans les appartements proposés sur le marché. UBS estime ce rempli des loyers résidentiels à 5% maximum. [14]

Les loyers élevés ainsi que les appartements avec services devraient temporairement subir la plus forte pression. Mais selon WP, suite à la crise du coronavirus, la préférence vis-à-vis d’une qualité de logement élevée et de la propriété du logement pourrait se trouver renforcée par la perception de la qualité des logements qui s’accroît au fur et à mesure que le télétravail prend pied dans la société. Les biens immobiliers de première qualité seront alors à nouveau recherchés.

Les experts s’accordent à dire que, globalement, l’immobilier résidentiel est l’une des classes d’actifs qui préservera le mieux sa valeur. JLL conclut dans son rapport que: «Le secteur résidentiel offre un profil défensif grâce à la stabilité de ses revenus, sa capacité à maintenir les valeurs locatives mais également grâce à une demande qui résiste aux chocs externes.» [15]

Les avantages de l’investissement participatif en copropriété

Nous tenons à rappeler ici quelques unes des protections supplémentaires offertes par l’investissement participatif par rapport à la possession d’un appartement individuel en PPE dans l’environnement actuel, où le risque majeur pour le secteur immobilier se déplace d’une hausse conséquente des taux d’intérêts à des vacances et des défauts de paiement à grande échelle:

> Dilution du risque de vacance locative ou de défaut de paiement sur plusieurs locataires
Dans le cas d’un investissement participatif dans un immeuble de rendement, chaque copropriétaire détient un pourcentage de l’immeuble et perçoit donc un pourcentage correspondant de l’ensemble des revenus locatifs de l’immeuble. Si un des logements de l’immeuble vient à être vacant ou un des locataires ne paie pas son loyer, les copropriétaires continuent à percevoir les loyers des autres appartements. Alors que dans le cas de la possession d’un appartement individuel, le propriétaire perd la totalité de ses revenus locatifs et continue à payer des charges.

LIRE AUSSIDilution du risque de vacance locative en crowdfunding

> Taux d’avance hypothécaire ne dépassant pas 66.66% de la valeur du bien
Lors d’une acquisition en investissement participatif le taux d’avance hypothécaire ne dépasse pas 66.66% de la valeur du bien (hypothèque de premier rang), alors que dans le cas d’un achat d’un bien individuellement il atteint généralement 75%. La valeur de l’immeuble couvre donc largement le montant de l’hypothèque même dans le cas d’une sévère baisse temporaire des valeurs de marché.
Ceci permet également de désolidariser l’hypothèque entre les différents copropriétaires. C’est à dire que chaque copropriétaire n’est responsable de l’hypothèque qu’à hauteur du montant de son investissement. La copropriété est ainsi protégée dans le cas d’une faillite personnelle d’un de ses membres. De plus les revenus locatifs couvrent cinq à six fois les intérêts de l’hypothèque qui n’a pas à être amortie.

LIRE AUSSISpécificités de l’Hypothèque en Crowdfunding Immobilier

Comme nous venons de le voir l’immobilier résidentiel sera l’une des classes d’actifs la moins touchée par la crise. Alors que l’immobilier résidentiel résistera à la crise, l’immobilier commercial sera plus durement impacté par la crise du coronavirus et devra essuyer de lourdes pertes dans certains sous-segments.

6 – L’immobilier commercial sera plus lourdement touché avec certains secteurs d’activité plus exposés que d’autres

WP souligne dans son rapport que dans la situation actuelle, il convient plus que jamais de différencier l’observation des surfaces commerciales: les différents sous-segments sont inégalement affectés par la pandémie du coronavirus. Nous allons donc rapidement  examiner les sous-segments qui composent l’immobilier commercial afin de distinguer ceux qui subiront les plus lourdes pertes et ceux qui pourraient être stimulés par les modes de consommation et de travail instaurés pendant la crise sanitaire.

  • Surfaces de bureaux

Ce sous-marché était jusqu’à présent en bonne santé. Au cours des deux dernières années, on a pu observer un diminution des vacances et une augmentation des loyers des surfaces de bureaux à de nombreux endroits. Mais selon WP, le ralentissement économique entraînera une baisse de la demande supplémentaire de surfaces de bureaux ce qui à son tour entraînera une baisse des loyers et des rendements ainsi qu’une progression des vacances. UBS indique que la détérioration du marché de l’emploi et le recours au télétravail constituent les deux principales menaces sur les surfaces de bureaux et table sur une baisse des loyers de 3% à 5% au cours des douze prochains mois. [16]

  • Surfaces de ventes, restauration-hôtellerie

Les sous-segments du commerce de détail de produits non-alimentaire et de la restauration-hôtellerie sont les plus lourdement affectés par les restrictions imposées par le Conseil fédéral afin d’enrayer la propagation de l’épidémie. Selon UBS, un milliards de francs de ventes de produits non-alimentaires sont perdus chaque semaine en raison de la fermeture forcée des magasins. Pour les propriétaires, des manques à gagner dus à des faillites sont possibles. [17]

Dans un communiqué du 8 avril, la SVIT nous informe qu’il ressort d’une étude commandée à WP que «le montant des loyers des surfaces locatives directement touchées par l’Ordonnance 2 COVID-19 s’élève à 430 millions de francs suisses par mois. Environ 220 millions de francs suisses, soit la moitié de ce montant est imputable au commerce de détail. Les loisirs et les services à la personne sont les domaines les plus touchés (90% et 89% de leurs locaux sont fermés).» [18]

Selon UBS, l’offre en surfaces de vente risque d’être excédentaire et les loyers devraient baisser de 10 à 15% au cours des prochains mois. La grande banque et WP s’accordent à dire que la crise sanitaire va accélérer le changement structurel dans le commerce de détail, favorisant encore davantage les achats en ligne. En conséquence, de nombreux propriétaires vont transformer leurs surfaces commerciales en appartements ou en bureaux.[19]

JLL prévient que «la gestion des actifs sur le marché de l’immobilier commercial sera turbulente dans les semaines et mois à venir. De nouvelles questions juridiques pourraient se poser auxquelles il faudra trouver des solutions.» [20]

Une bataille juridique a été entamée autour du paiement des loyers commerciaux durant la période de non-activité.
La question est de trancher si les propriétaires ont le droit ou non d’exiger les loyers des surfaces inexploitées en raison de la crise sanitaire. Le Conseil fédéral, qui a déjà fait passer de 30 à 90 jours le délai de paiement en cas de retard dû au coronavirus, a créé une task force qui planche actuellement sur la question. D’un côté les commerçants, restaurateurs ou entrepreneurs, dont l’activité est paralysée, demandent une annulation des loyers commerciaux en s’appuyant sur un avis de droit publié par l’Asloca.

De l’autre, la Fédération romande immobilière (FRI) rétorque que la crise actuelle ne les libère pas de leurs loyers et privilégie les remises de dettes ou les reports de paiement [21], alors que l’antenne genevoise de la Fédération des entreprises romandes (FER) propose quant à elle de pouvoir utiliser deux des six mois de caution requis pour les baux commerciaux au paiement des prochains loyers, avec un délai d’un an et demi pour reconstituer la garantie [22]. Les propriétaires (fonds de pension, compagnies d’assurance, particuliers) sont également soumis à une pression pour faire face à leurs charges, amortir les biens et générer des revenus. [23]

Plusieurs municipalités romandes ont décidé d’agir face à l’urgence en optant pour l’annulation des loyers commerciaux qu’elles perçoivent dans leur parc immobilier. Le 18 mars, la ville de Genève a exonéré du paiement du mois d’avril tous les locataires des arcades gérées par sa régie publique. La mesure, dont les coûts sont estimés à 1.2 millions de francs, sera reconduite tant que l’ordonnance de fermeture restera en vigueur. Lausanne a adopté la même mesure le 19 mars, avec effet rétroactif au 1er mars. [24]

Le 6 avril, le Conseil d’État genevois a été plus loin en annonçant que les très petites sociétés et les indépendants, qui paient un loyer mensuel n’excédant pas CHF 3’500, pourront demander son exonération pour le mois d’avril. Le sacrifice sera partagé à égales moitiés entre les propriétaires et l’État. [25]

«Le secteur immobilier, conscient des conséquences économiques de faillites en série, est en train de prendre la mesure du problème.» [26]

 

  • Les possibles gagnants

WP indique enfin qu’«alors que la propagation du coronavirus aura un impact globalement négatif sur l’économie suisse, certains secteurs seront plus dynamiques: le marché immobilier rencontre une demande accrue dans des domaines comme les hôpitaux, la santé, le stockage, la logistique et les centres de données.»

7 – Évolutions à long terme

L’épidémie de coronavirus influera sûrement à long terme sur notre manière de nous loger, de consommer, de travailler et renforcera certains modèles opérationnels au détriment d’autres. WP conclut son rapport avec les mutations envisageables sur le marché immobilier au cours des années à venir:

  • Besoins accrus dans l’immobilier de la santé

Les besoins de soins et de santé s’intensifieront et l’immobilier consacré à la santé et aux hôpitaux en bénéficiera à travers de nouveaux investissements.

  • Accélération de la mutation structurelle vers Internet

La mutation structurelle dans le commerce de détail s’accélère. Le commerce en ligne gagne plus rapidement de nouvelles parts de marché au détriment du commerce de détail stationnaire.

  • Les espaces de stockage gagnent en importance

Dans le secteur logistique, l’augmentation du commerce en ligne et des besoins en connectivité provoquée par la sédentarité des habitants et le travail à domicile stimulera la demande en entrepôts et centres de données.

  • Moins de pendulaires, plus de télétravail

De nombreuses entreprises ont mis en place des solutions de travail à distance durant la période de confinement. Si ce modèle fait ses preuves, à l’avenir les gens penduleront moins et travailleront davantage de chez eux.

La proximité du lieu de travail perd ainsi de son importance et les communes où résident les pendulaires deviendront plus attractives. Ces nouvelles habitudes de travail pourraient diminuer les besoins en surfaces de bureaux des entreprises ce qui pourrait venir augmenter les vacances dans ce sous-segment.

  • Utilisation flexible d’appartements

Au niveau des logements, une qualité élevée de séjour ainsi que des espaces permettant de s’isoler ou de travailler devraient être de plus en plus prisés. La tendance des appartements pouvant être divisés en espaces modulaires à usage flexible pourrait avoir le vent en poupe.

  • Augmentation de la demande de résidences secondaires en Suisse

Il est probable qu’à l’avenir la préférence soit donnée aux vacances et aux loisirs à proximité du domicile ce qui intensifiera la consommation intérieure et de la demande de résidences secondaires en Suisse. Cette tendance pourrait se globaliser au détriment des grands centres touristiques internationaux.


Conclusion

Les dommages du coronavirus sur l’économie ne pourront commencer à être mesurés qu’une fois la crise sanitaire passée. Dans le présent article, nous avons essayé de déterminer les conséquences du coronavirus sur le marché immobilier suisse avec les données dont nous disposons à ce jour et qui proviennent principalement du cabinet de conseil immobilier WP. Ces données sont sujettes à évolution et nous ne manquerons pas de vous tenir informés dans un prochain article si la situation venait à changer. Dans ce climat d’incertitude, quelques éléments ressortent avec clarté du tableau que nous avons dressé.

Bien qu’elle tombera en récession en 2020 en raison du ralentissement de la demande et des capacités de production, l’économie suisse dispose de fondamentaux solides. Au vu de la crise économique majeure à laquelle elles devront faire face, les banques centrales garderont leurs taux d’intérêt bas; ce qui favorisera l’investissement immobilier malgré une hausse temporaire des taux hypothécaires offerts par les intermédiaires financiers. Face à la forte volatilité des marché financiers et aux taux d’intérêt négatifs en francs suisses, l’immobilier sera une classe d’actifs recherchée pour sa stabilité et la régularité de ses revenus.

Au sein de l’immobilier, le segment résidentiel préservera le mieux la valeur de ses avoirs alors que dans le segment commercial on assistera à une accélération des changements structurels dans certains sous-segments particulièrement touchés, comme la vente de détail. Le coronavirus aura des conséquences plus profondes sur notre manière de nous loger et de consommer et donc sur le marché immobilier, mais nous restons convaincus que l’immobilier résidentiel suisse détenu en direct est un actif défensif qui, comme par le passé, sera résilient face à la crise.

 

Références

[1] Wüest Partner, 20.03.2020, Coronavirus: Évaluation des perspectives pour l’immobilier

[2] Secrétariat d’État à l’économie SECO, 19.03.2020, Le coronavirus fait reculer l’économie, Source

[3] swissinfo.ch, 07.04.2020, Armando Mombelli, Comment l’économie suisse va-t-elle sortir de la crise du coronavirus? Source

[4] Ibid

[5] Tribune de Genève, 10.03.2020, Une baisse des taux par la BNS pointe à l’horizon, Source

[6] Le Temps, 02.04.2020, Servan Peca, Le coronavirus touche aussi les propriétaires, Source

[7] IAZI est un société qui fournit des indices sur le marché immobilier suisse basés sur un ensemble de données provenant de transactions effectives.

[8] Neue Zürcher Zeitung, 26.03.2020, Michael Schäfer, Coronavirus: Wo am Schweizer Immobilienmarkt jetzt Gefahren lauren, Source

[9] Valeurs de clôture au 09.04.2020

[10] JLL Jones Lang Lasalle IP, Inc, Global Research 12 Mars 2020, COVID-19, Quelles implications pour les marchés immobiliers mondiaux?

[11] Le SWX IAZI Investment Real Estate Performance Index représente la performance (total return) des prix des immeubles de rapport. Source

[12]  investrends.ch, 26.03.2020, Coronavirus könnte Schweizer Immobilien-Boom beenden, Source

[13] Tribune de Genève, 25.03.2020, Les loyers des magasins vont plonger, selon UBS, Source

[14] Ibid

[15] JLL Jones Lang Lasalle IP, Inc, Global Research 12 Mars 2020, COVID-19, Quelles implications pour les marchés immobiliers mondiaux?

[16] Tribune de Genève, 25.03.2020, Les loyers des magasins vont plonger, selon UBS, Source

[17] Ibid.

[18] SVIT Romandie, 08.04.2020, Le marché de l’immobilier commercial est très affecté, Source

[19] Tribune de Genève, 25.03.2020, Les loyers des magasins vont plonger, selon UBS, Source

[20] JLL Jones Lang Lasalle IP, Inc, Global Research 12 Mars 2020, COVID-19, Quelles implications pour les marchés immobiliers mondiaux?

[21] Le Temps, 31.03.2020, Aline Bassin, Bataille d’experts autour des loyers commerciaux, Source

[22] Le Temps, 20.03.2020, Rachel Richterich, Les commerçants bientôt libérés de leur loyer?, Source

[23] SVIT Romandie, 08.04.2020, Le marché de l’immobilier commercial est très affecté, Source

[24] Le Temps, 23.03.2020, Rachel Richterich & Servan Peca, Gel de printemps dans l’immobilier, Source

[25] lfm La Radio, 06.04.2020, Exonération de loyer pour les microsociétés les plus fragilisées, Source

[26] Le Temps, 23.03.2020, Rachel Richterich & Servan Peca, Gel de printemps dans l’immobilier, Source

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