Le financement participatif, garde-fou de la spéculation immobilière ?
Depuis quelques années, force est de constater qu’une évolution économique est en marche, avec de nouveaux comportements d’achats et d’investissement. Le financement participatif / crowdfunding prend de plus en plus d’essor avec une croissance de 52% en 2018 et un volume de transactions de 516,6 millions de francs largement tirée par le marché de l’immobilier.[i]
Le monde immobilier, jusqu’alors régi par des règles qui semblaient immuables, n’est pas épargné et se voit, depuis quelques années, transformé par une vision évolutive rendue possible grâce à la technologie : élargissement et diversification des placements via l’apparition de nouvelles classes d’actifs alternatives (ex: token), apparition de spontanéité dans l’acquisition via de nouvelles pratiques d’investissement 3.0 (ex crowdinvesting /investissement participatif).
Ces évolutions assouplissent un modèle, jusqu’à récemment calcifié par des processus compliqués qui restreignaient l’accès à l’investissement immobilier et répondent à un impératif de diversification requis par les épargnants face aux rendement obligataires négatifs et la volatilité des marchés boursiers … Et, phénomène qui s’impose de plus en plus, une démocratisation à l’achat via le crowdfunding immobilier, qui s’oppose à l’élitisme en vigueur dans ce que nous pouvons nommer le « vieux » modèle d’acquisition régenté par une poignée d’investisseurs.
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Démocratiser, oui, mais avec quels impacts sur le marché ?
Augmenter le nombre d’acquéreurs « novices », dénués de cette vision d’instrumentalisation du logement comme valeur spéculative, se profile de plus en plus comme un garde-fou efficace contre la spéculation immobilière. Rappelons que la spéculation immobilière est une opération économique sur un bien immobilier, consistant à acheter bas en misant sur l’augmentation attendue de sa valeur.
Le Brunaupark à Zürich[ii], quartier d’habitations modeste, est un bel exemple spéculatif, racheté par un acteur clé du marché immobilier visant à rénover pour augmenter les prix, et ainsi fixer des loyers élevés pour rentabiliser leur achat. « En règle générale, ce sont tous les utilisateurs du cadre bâti (et non bâti), locataires, habitants, petites, moyennes voire grandes entreprises, commerces, artisans, etc. qui paient les profits issus de la spéculation, ceux de la bulle d’hier comme de celle d’aujourd’hui ».[iii]
Ce mécanisme est fortement limité dans le modèle de l’investissement participatif immobilier où :
- l’acquisition est plurale avec des montants relativement modestes
- l’acquisition correspond à une valeur de marché
- l’objectif des acheteurs est d’investir à long terme dans le but de percevoir une rente
- le calcul du retour sur investissement est limité aux revenus locatifs et ne prend pas en compte une éventuelle plus-value du bien immobilier
Via la démocratisation, le financement participatif immobilier crée ce que nous pouvons appeler ainsi des « coopératives d’acheteurs » qui, comme les coopératives classiques, s’auto-régulent par la force du nombre. Une somme de profils aussi divers que variés, qui étouffent dans l’œuf tout mécanisme spéculatif sur l’ensemble du bien, là où la présence d’un seul acteur, seul maitre à bord, aurait pu avoir l’effet inverse.
Références
[i] Prof. Dr. Andreas Dietrich, Simon Amrein – Institute of Financial Services Zug IFZ, Source
[ii] Clare O’Dea – SWI swissinfo.ch, 25 octobre 2019 Source
[iii] Daniel Marco – Domaine Public, 15 août 2008 Source